Vérifier la posologie et la quantité des médicaments avant de les remettre au patient
déc., 15 2025
Un patient reçoit un médicament pour son enfant. La prescription demande 0,5 mL d’acétaminophène. La pharmacie remet une cuillère à café. Le parent donne 5 mL, pensant que c’est la bonne dose. L’enfant est hospitalisé pour une intoxication hépatique. Ce n’est pas un accident rare. C’est le résultat d’une vérification incomplète de la posologie et de la quantité avant la remise du médicament.
Pourquoi cette vérification est vitale
Chaque année, des milliers d’erreurs de dispensation mettent la vie des patients en danger. La plupart ne viennent pas d’une mauvaise prescription, mais d’une erreur lors de la préparation du médicament en pharmacie. Le problème le plus fréquent ? Confondre la concentration (par exemple, 10 mg/mL) avec la quantité totale dans le flacon (50 mg). Un pharmacien ou un technicien peut facilement penser que le flacon contient 10 mg, alors qu’il en contient 50. Pour un bébé, 50 mg au lieu de 10 mg, c’est cinq fois la dose fatale.
Les médicaments à haut risque - insuline, opioïdes, anticoagulants - sont à l’origine de 63 % des erreurs mortelles, selon les données de la FDA jusqu’au deuxième trimestre 2023. Une simple vérification de la quantité totale avant la remise peut éviter 87 % de ces erreurs, selon l’Agence pour la recherche et la qualité des soins de santé (AHRQ). Ce n’est pas une bonne pratique. C’est une exigence minimale de sécurité.
Comment faire une vérification efficace
Une vérification efficace ne se limite pas à regarder le flacon et à dire « ça a l’air bon ». Elle suit trois étapes clés, reconnues par l’Institute for Safe Medication Practices (ISMP) depuis 2023 :
- Vérification indépendante de la posologie : Un deuxième professionnel (pharmacien ou technicien) recalcule la dose à partir de la prescription. Il ne regarde pas le calcul du premier. Il part de zéro.
- Vérification de la quantité totale : Il compare la quantité préparée avec la quantité prescrite. Si la prescription demande 15 mL d’un sirop à 5 mg/mL, la dose totale doit être de 75 mg. Le flacon doit contenir exactement cette quantité, pas plus, pas moins.
- Vérification de l’emballage et du dispositif de dosage : Le médicament doit être livré avec un dispositif de mesure précis - une seringue orale pour les doses inférieures à 10 mL, jamais une cuillère à café ou à soupe. Les cuillères varient de 3 à 15 mL. Une erreur de 5 mL sur une dose de 0,5 mL, c’est un risque de surdose de 1000 %.
Une étude de l’Université de Floride montre que la vérification indépendante avec recalcul bloque 92 % des erreurs liées aux virgules. Par exemple, 5,0 mL au lieu de 0,5 mL. La présence d’un zéro à la fin ou l’absence d’un zéro avant la virgule sont des pièges mortels.
Les erreurs courantes à éviter
Les erreurs ne viennent pas toujours de la pharmacie. Elles viennent aussi des étiquettes, des systèmes d’information et des habitudes.
- Étiquettes mal conçues : La concentration (ex. : 10 mg/mL) doit être en plus petit caractère que la quantité totale (ex. : 50 mg). La FDA exige que la quantité totale soit affichée en gras et 50 % plus grande. Beaucoup de flacons ne respectent pas encore cette règle.
- Dispositifs de dosage inadaptés : Fournir une cuillère à café à un parent pour un sirop de 0,3 mL, c’est une erreur. La majorité des erreurs pédiatriques (93 %) viennent de cette confusion, selon l’ISMP. Une seringue orale de 1 mL est la norme minimale.
- Pression de travail : Dans 73 % des cas, les techniciens déclarent être trop pressés pour vérifier correctement. Certains établissements exigent 35 ordonnances par heure. À ce rythme, la vérification devient un rituel vide.
Les outils qui font la différence
La technologie peut aider, mais elle ne remplace pas la vigilance humaine.
- Les scanners de codes-barres : Ils réduisent les erreurs de 83 %, mais coûtent entre 15 000 et 25 000 $ par pharmacie. Ce n’est pas accessible à toutes les petites pharmacies.
- Les seringues orales : Elles coûtent entre 0,85 $ et 2,50 $ l’unité. Pour une pharmacie qui en utilise 100 par semaine, l’investissement est minime par rapport au risque évité.
- Les systèmes électroniques : Depuis 2023, les systèmes d’ordonnances électroniques doivent afficher clairement la quantité totale du médicament, pas seulement la concentration. Cela réduit les erreurs à la source.
La combinaison la plus efficace ? Vérification indépendante + seringue orale + explication orale au patient. Ensemble, ces trois gestes réduisent les erreurs d’administration de 82 %, selon l’ISMP.
La réalité des pharmacies
Les grandes chaînes ont des protocoles standardisés. Les petites pharmacies, surtout en zone rurale, n’ont pas toujours les ressources.
Un sondage de 2022 montre que 68 % des pharmacies avec moins de 5 employés appliquent la vérification de manière incohérente. Dans 83 % des cas, la raison donnée est : « Pas assez de personnel pour faire un double contrôle. »
Et pourtant, les conséquences sont graves. Sur un forum de pharmaciens, une technicienne raconte avoir omis la vérification pendant une période de surcharge. Résultat : un patient a reçu 10 fois la dose de lévothyroxine. Il a été hospitalisé.
Les pharmacies doivent aussi documenter leur vérification, surtout pour les médicaments contrôlés (opioïdes, benzodiazépines). Le DEA exige que le pharmacien vérificateur signe et date la vérification. Une simple signature peut sauver une vie - et éviter une enquête fédérale.
Que faire si vous êtes patient ou proche
Vous n’êtes pas obligé de croire que tout est bien fait. Posez les bonnes questions :
- « Quelle est la dose totale dans ce flacon ? »
- « Pourquoi vous me donnez une seringue et pas une cuillère ? »
- « Pouvez-vous me montrer comment mesurer exactement 0,5 mL ? »
Si vous voyez un flacon avec une étiquette où la concentration (ex. : 5 mg/mL) est plus grande que la quantité totale (ex. : 15 mg), dites-le. C’est une violation des normes de l’USP et de la FDA.
Et si vous avez un doute, ne donnez pas le médicament. Appelez la pharmacie. Refaites le calcul. Demandez une seconde vérification. Votre vigilance peut être la dernière ligne de défense.
Les normes qui évoluent
La sécurité ne s’arrête pas. En 2025, la FDA imposera de nouvelles règles : la quantité totale des médicaments injectables devra être affichée en gras, 50 % plus grande que la concentration. L’USP prépare aussi une norme numérique pour vérifier automatiquement la posologie contre une base de données nationale.
Le plan national de l’AHRQ vise à réduire de 50 % les erreurs de posologie d’ici 2027. Des subventions de 14,7 millions de dollars sont déjà allouées pour aider les petites pharmacies à adopter les bonnes pratiques.
La vérification de la posologie et de la quantité avant la remise n’est pas une formalité. C’est une intervention de sécurité. Un geste simple, mais indispensable. Et il ne faut jamais le sauter, même sous pression. Même si vous êtes pressé. Même si vous avez déjà fait 30 ordonnances. Même si le patient semble en forme.
Parce qu’un chiffre mal lu, une virgule mal placée, une cuillère mal choisie - peuvent tout changer. Pour toujours.