Tourisme médical : les risques de sécurité des médicaments à ne pas ignorer

déc., 6 2025

Chaque année, plus de 14 millions de personnes quittent leur pays pour se faire soigner à l’étranger. Ce n’est plus une pratique réservée aux riches : une simple intervention dentaire au Mexique coûte jusqu’à 65 % moins cher qu’aux États-Unis, une chirurgie esthétique en Turquie peut être divisée par deux, et un traitement contre le cancer en Corée du Sud propose des technologies de pointe à moindre coût. Mais derrière ces économies séduisantes, un danger silencieux se cache : la sécurité des médicaments.

Les médicaments à l’étranger ne sont pas les mêmes qu’chez vous

Vous vous faites opérer du genou en Thaïlande. Le médecin vous prescrit un anticoagulant, un anti-inflammatoire, et un analgésique puissant. Tout semble normal. Mais quand vous rentrez chez vous, votre pharmacien vous dit : "Ces comprimés, on ne les connaît pas ici." Ce n’est pas un cas isolé. Dans certains pays, les médicaments approuvés sont différents. Ce qui est autorisé en Inde ou au Brésil peut être interdit en France, au Canada ou en Allemagne. Pourquoi ? Parce que les normes de fabrication, les doses autorisées, les excipients, et même les noms commerciaux varient d’un pays à l’autre. Un médicament vendu sous le nom de "Clexan" en France peut être vendu sous un autre nom en Turquie, avec une composition légèrement différente. Et si la fabrication n’est pas contrôlée comme elle le devrait ? L’Organisation mondiale de la santé estime qu’un médicament sur dix dans les pays à revenu faible ou intermédiaire est falsifié ou de qualité inférieure. Même dans des destinations populaires comme la Thaïlande ou la Malaisie, où les hôpitaux sont accrédités par la Joint Commission International (JCI), cette accréditation porte sur les installations, pas sur la chaîne d’approvisionnement des médicaments. Vous pouvez avoir un hôpital impeccable, mais des comprimés qui ont été stockés dans une chaleur excessive ou contiennent une mauvaise dose active.

Les interactions médicamenteuses, un piège invisible

Pendant votre séjour, vous prenez des médicaments prescrits localement. Quand vous rentrez, vous reprenez vos traitements habituels : un antihypertenseur, un antidépresseur, un traitement pour le diabète. Et là, le problème surgit.

Un médicament prescrit à l’étranger peut interagir dangereusement avec vos traitements habituels. Par exemple, un anti-inflammatoire puissant utilisé en Corée du Sud pour réduire l’inflammation après une chirurgie peut augmenter le risque de saignement si vous prenez déjà de l’aspirine ou du warfarine. Un antibiotique courant en Inde peut altérer l’efficacité de votre pilule contraceptive. Ces interactions ne sont pas toujours documentées dans les dossiers médicaux transfrontaliers. Votre médecin à Lille n’a jamais entendu parler du médicament que vous avez pris à Bangkok. Il ne sait pas quelle est sa composition réelle, ni quelle est sa durée d’action.

Selon DelveInsight, 26 % des patients ayant recours au tourisme médical rencontrent des problèmes de suivi après leur retour. Une grande partie de ces problèmes viennent de la mauvaise gestion des médicaments. Pas parce que les médecins sont négligents, mais parce que les systèmes de santé ne communiquent pas entre eux. Votre dossier médical étranger ne se retrouve pas dans votre dossier français. Vos médicaments ne sont pas réconciliés. Et vous, vous ne savez pas exactement ce que vous avez pris.

Les suppléments et les traitements alternatifs : un autre monde

Beaucoup de cliniques à l’étranger proposent des programmes "bien-être" en plus des soins médicaux : cure de plantes, injections de vitamines, thérapies à base de cellules souches, ou traitements traditionnels chinois. Ces produits sont souvent présentés comme "naturels" et donc sans risque. Ce n’est pas vrai.

Un supplément vendu comme "anti-âge" en Thaïlande peut contenir des hormones non déclarées. Une poudre "détox" achetée au Mexique peut être contaminée par des métaux lourds. Un traitement à base de plantes en Inde peut contenir des substances interdites en Europe, comme des stéroïdes ou des inhibiteurs de l’enzyme CYP3A4 - qui peuvent rendre vos autres médicaments inactifs ou toxiques.

Ces produits ne sont pas soumis aux mêmes contrôles que les médicaments prescrits. Ils ne sont pas étiquetés avec des doses précises. Ils ne sont pas testés pour les interactions. Et pourtant, les patients les prennent en même temps que leurs traitements conventionnels. Résultat : des hospitalisations inattendues, des lésions hépatiques, des réactions allergiques sévères.

Scène divisée : un médecin à l'étranger prescrit des médicaments, tandis qu'un pharmacien français les examine avec inquiétude.

Comment se protéger avant de partir

Ce n’est pas parce que le tourisme médical est risqué qu’il faut l’éviter. Mais il faut le préparer comme un voyage en zone de guerre : avec des précautions.

  • Consultez votre médecin avant de partir. Montrez-lui le plan de traitement proposé à l’étranger. Demandez-lui de vérifier chaque médicament, chaque dose, chaque interaction possible. Faites une liste détaillée de vos traitements actuels.
  • Exigez la liste complète des médicaments prescrits. Pas seulement les noms commerciaux. Demandez les noms génériques, les doses, les formes (comprimés, injections, sirops). Notez tout.
  • Vérifiez l’accréditation de l’établissement. La JCI est un bon indicateur, mais pas suffisant. Cherchez aussi les certifications locales liées à la pharmacie. Un hôpital qui respecte les normes de l’OMS pour la gestion des médicaments est plus fiable.
  • Ne prenez jamais de médicaments sans ordonnance. Même si on vous les propose "gratuitement" ou "pour accélérer la guérison". Ce sont souvent des pièges.
  • Emportez vos médicaments habituels avec vous. Dans leur emballage d’origine, avec l’ordonnance. Cela vous permettra de les reprendre immédiatement après votre retour, sans interruption.

Après votre retour : ne laissez pas tout derrière vous

Vous êtes rentré. Vous vous sentez bien. Vous pensez que le pire est passé. Faux.

La phase la plus critique commence maintenant : la transition. Votre corps vient de subir un stress, une chirurgie, une chimiothérapie. Les médicaments que vous avez pris à l’étranger peuvent avoir des effets prolongés. Ou des résidus toxiques peuvent encore être présents.

  • Rendez-vous chez votre médecin dans les 72 heures. Apportez la liste des médicaments que vous avez pris, les boîtes vides, les ordonnances. Même si elles sont en anglais ou en thaï.
  • Ne supprimez pas vos traitements habituels sans avis. Vous pourriez avoir besoin de les reprendre progressivement.
  • Signalez tout symptôme inhabituel. Une fatigue soudaine, une éruption cutanée, des douleurs abdominales, une perte d’appétit - ce n’est peut-être pas une simple grippe. Cela peut être une réaction à un médicament inconnu.
Un patient de retour chez lui entouré de pilules fantômes marquées de dangers cachés, consulté par son médecin en France.

Les solutions émergentes - mais elles ne sont pas encore fiables

Heureusement, certaines cliniques commencent à réagir. À Séoul, l’hôpital Severance a introduit en 2024 un système d’analyse génétique assistée par l’IA pour personnaliser les traitements contre le cancer. Cela permet d’éviter les médicaments inefficaces ou dangereux pour chaque patient. Une avancée majeure.

D’autres hôpitaux utilisent des dossiers médicaux numériques partagés, permettant à votre médecin français d’accéder à vos résultats et prescriptions à l’étranger. Mais ces systèmes restent rares. Et surtout, ils ne couvrent pas les suppléments, les traitements alternatifs, ni les médicaments achetés en libre-service.

Le marché du tourisme médical devrait atteindre plus de 700 milliards de dollars d’ici 2033. Mais sans normes mondiales pour la sécurité des médicaments, ce chiffre sera payé en vies humaines.

La vérité, c’est que personne ne surveille ce que vous prenez

Les agences de tourisme médical ne vous disent pas que vos médicaments pourraient ne pas être sûrs. Les hôpitaux étrangers ne vous envoient pas de dossiers complets. Votre assurance santé ne couvre pas les complications liées à des médicaments non approuvés. Et votre médecin à la maison n’a pas les outils pour comprendre ce que vous avez pris.

Le tourisme médical peut sauver des vies. Il peut aussi en coûter. La différence, c’est la préparation. Ce n’est pas une question de budget. C’est une question de vigilance.

Si vous partez pour un soin médical à l’étranger, ne pensez pas seulement au prix. Pensez à la boîte de comprimés que vous allez ramener. À qui vous allez la montrer. À quel point vous allez la comprendre. Parce que votre santé ne se résume pas à un tarif en ligne. Elle se joue dans chaque pilule que vous avalez - et dans la confiance que vous accordez à ce qu’on vous donne.

Est-ce que les médicaments prescrits à l’étranger sont autorisés en France ?

Pas toujours. Un médicament approuvé en Thaïlande, en Inde ou au Mexique peut être interdit, non commercialisé ou considéré comme trop risqué en France. La liste des substances autorisées varie d’un pays à l’autre. Même si le nom est le même, la composition peut différer. Il est essentiel de vérifier chaque médicament avec votre pharmacien ou votre médecin avant de le reprendre chez vous.

Comment savoir si un hôpital à l’étranger utilise des médicaments de qualité ?

L’accréditation JCI (Joint Commission International) est un bon indicateur, car elle exige des normes strictes en matière de gestion des médicaments. Mais ce n’est pas suffisant. Demandez si l’hôpital utilise des fournisseurs pharmaceutiques certifiés, s’il effectue des contrôles de qualité sur les médicaments entrants, et s’il peut vous fournir les numéros de lot et les certificats d’analyse. Si l’établissement refuse ou hésite, c’est un signal d’alerte.

Puis-je ramener des médicaments achetés à l’étranger en France ?

Oui, mais avec des limites. Vous pouvez ramener une quantité suffisante pour votre traitement personnel (généralement jusqu’à trois mois), à condition que ce soit pour un usage personnel et que les médicaments ne soient pas classés comme stupéfiants ou substances contrôlées. Il est recommandé de conserver l’ordonnance originale et les emballages d’origine. Les suppléments ou produits non prescrits sont plus risqués et peuvent être saisis à la douane.

Les traitements à base de plantes ou de suppléments sont-ils sûrs à l’étranger ?

Non, pas nécessairement. Ces produits sont souvent moins réglementés que les médicaments traditionnels. Ils peuvent contenir des substances cachées, des métaux lourds, ou des ingrédients qui interagissent avec vos traitements habituels. Même si on les présente comme "naturels" ou "traditionnels", ils peuvent être dangereux. Évitez-les sauf si vous avez une preuve claire de leur composition et de leur sécurité.

Que faire si je ne trouve pas l’équivalent d’un médicament pris à l’étranger en France ?

Ne prenez pas de substitut sans avis médical. Contactez votre médecin avec la liste des ingrédients actifs du médicament étranger. Il pourra trouver un équivalent thérapeutique approuvé en France. Si nécessaire, il peut demander une autorisation exceptionnelle d’importation (ATU) pour un médicament non disponible localement. Ne vous automédiquez pas : un remplacement inapproprié peut être plus dangereux que l’absence de traitement.

1 Comment

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    Guillaume Geneste

    décembre 8, 2025 AT 00:16

    Je viens de rentrer d’une chirurgie au Maroc, et je peux vous dire que j’ai tout documenté : ordonnances, boîtes, numéros de lot… J’ai même pris une photo de chaque comprimé avec la date. Mon médecin à Lyon a pu vérifier tout ça avec le pharmacien hospitalier. C’est pas compliqué, juste un peu de rigueur. La sécurité, c’est pas un luxe, c’est une obligation. 🙏💊

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