Réaction aux médicaments avec éosinophilie et symptômes systémiques (DRESS) : symptômes, causes et prise en charge
nov., 27 2025
Imaginez prendre un médicament pour traiter une goutte ou une épilepsie, et quelques semaines plus tard, votre corps réagit comme si vous étiez en guerre contre vous-même. Fièvre, éruption cutanée étendue, ganglions enflés, et des chiffres sanguins qui dérapent. Ce n’est pas une infection virale. Ce n’est pas une allergie classique. C’est le DRESS - une réaction médicamenteuse rare, grave, et souvent mal diagnostiquée.
Qu’est-ce que le DRESS ?
DRESS signifie Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms. En français, on l’appelle aussi syndrome de réaction médicamenteuse avec éosinophilie et symptômes systémiques. C’est l’une des réactions cutanées sévères les plus dangereuses causées par un médicament. Contrairement à une simple éruption allergique, le DRESS n’apparaît pas en quelques heures. Il se cache. Il attend. Généralement, entre deux et huit semaines après le début du traitement, les premiers signes surgissent.
Le cœur du DRESS repose sur trois piliers : une fièvre supérieure à 38°C, une éruption cutanée étendue (souvent de type morbilliforme, comme la rougeole), et une éosinophilie marquée - c’est-à-dire un excès de ces globules blancs spécifiques qui, en temps normal, combattent les parasites, mais ici, attaquent vos propres organes.
Le pire ? Ce n’est pas seulement la peau. Le DRESS frappe en profondeur. Le foie est touché dans 70 à 90 % des cas. Les reins dans 10 à 30 %. Les poumons, les glandes, le cœur. Et dans 10 % des cas, cela tue - souvent par une nécrose hépatique fulminante.
Quels médicaments déclenchent le DRESS ?
Plus de 100 médicaments ont été impliqués, mais trois classes dominent les cas.
- Allopurinol : responsable de 40 à 50 % de tous les cas. Il est prescrit pour la goutte, mais chez les patients avec une insuffisance rénale, le risque monte à 1 sur 200. L’allopurinol est le coupable numéro un.
- Anticonvulsivants : carbamazépine, phénytoïne, lamotrigine. Ensemble, ils causent 20 à 30 % des DRESS. La lamotrigine, souvent utilisée pour l’épilepsie ou les troubles bipolaires, est particulièrement piègeuse.
- Sulfamides : antibiotiques comme la sulfaméthoxazole-triméthoprime (Bactrim). Ils représentent 10 à 15 % des cas.
Et il y a un facteur génétique crucial : la présence du gène HLA-B*58:01. Chez les populations asiatiques, cette variante augmente le risque d’un DRESS à l’allopurinol par un facteur 55. C’est pourquoi, depuis 2020, la FDA recommande un dépistage génétique avant de prescrire l’allopurinol aux patients à risque.
Comment le DRESS se distingue des autres réactions cutanées sévères ?
Beaucoup confondent le DRESS avec le syndrome de Stevens-Johnson (SJS) ou la nécrolyse épidermique toxique (TEN). Pourtant, ce sont des maladies différentes.
Le SJS et le TEN se manifestent rapidement - souvent en 1 à 4 semaines - avec des cloques massives, une desquamation de la peau, et une atteinte des muqueuses (bouche, yeux, génitaux) dans plus de 90 % des cas. Leur mortalité est plus élevée : jusqu’à 40 % pour le TEN.
Le DRESS, lui, a une lenteur diabolique. L’éruption est plus diffuse, moins destructrice en surface, mais plus profonde. Les muqueuses sont touchées dans seulement 30 à 50 % des cas. Et la signature la plus distinctive ? L’éosinophilie et la réactivation du virus HHV-6 - un herpesvirus qui, chez 60 à 70 % des patients, se réveille 2 à 4 semaines après le début des symptômes, aggravant l’inflammation.
La mécanique immunitaire est aussi différente. Le DRESS est un combat mené par les lymphocytes CD4+ et les éosinophiles, tandis que le SJS/TEN est un massacre orchestré par les lymphocytes CD8+ et une molécule appelée granulysine. Ce n’est pas la même guerre. Et il faut le savoir pour bien la gérer.
Comment diagnostiquer le DRESS ?
Le DRESS est un masqueur. Il ressemble à une grippe, à une mononucléose, à une infection virale. Les médecins le manquent. Une étude en 2020 a montré que seulement 35 % des internes en médecine interne le reconnaissaient correctement.
Le critère de diagnostic le plus utilisé vient de l’étude RegiSCAR. Il faut :
- Une hospitalisation
- Une éruption cutanée aiguë
- Une fièvre >38°C
- Des ganglions enflés
- Une éosinophilie >1 500 cellules/μL ou >10 % des globules blancs
- Des lymphocytes atypiques
- Une atteinte de trois organes internes au moins
Le diagnostic repose sur la combinaison. Pas sur un seul chiffre. Un taux d’ALT à 2 840 U/L ? C’est alarmant. Mais sans éosinophilie ni fièvre, ce n’est pas du DRESS. Une éruption avec un taux d’éosinophiles à 800 ? Pas assez. Il faut le tableau complet.
Les tests complémentaires : une PCR pour le HHV-6, un bilan hépatique complet, un bilan rénal, un hémogramme avec dénombrement des cellules. Et surtout : une revue minutieuse de tous les médicaments pris dans les 8 semaines précédentes. Même un traitement de 3 jours peut être le coupable.
Que faire en cas de suspicion ?
La première règle est simple : arrêtez le médicament. Immédiatement. Si vous le faites dans les 24 heures après le début des symptômes, votre risque de mourir tombe de 15 % à 5 %. C’est ça, la différence entre la vie et la mort.
Ensuite : hospitalisation. Pas en salle d’attente. En unité spécialisée - dermatologie, réanimation, ou soins intensifs. Le DRESS peut dégringoler en quelques heures. Une infection bactérienne ou fongique (E. coli, staphylocoque résistant, candidose) peut survenir dans 10 % des cas. La peau est une barrière brisée. L’immunité est en lambeaux.
Le traitement de base ? Des corticoïdes. Généralement, de la prednisone à 0,5 à 1 mg par kg par jour. Le traitement dure 4 à 8 semaines, avec un arrêt progressif. Arrêter trop vite ? Risque de rechute. Continuer trop longtemps ? Risque d’effets secondaires graves.
Et si les corticoïdes ne suffisent pas ? De nouvelles options arrivent. L’anakinra, un médicament qui bloque l’interleukine-1, a réduit la durée d’hospitalisation de 18,5 à 11,2 jours dans une étude récente. Le tocilizumab, utilisé pour l’arthrite, est en essai pour les cas réfractaires. Ce n’est pas encore standard, mais c’est l’avenir.
Les conséquences à long terme
Le DRESS ne finit pas à la sortie de l’hôpital. 20 à 30 % des patients développent des séquelles durables. Une insuffisance rénale persistante. Une hypothyroïdie. Un diabète. Même une maladie auto-immune comme la maladie de Graves, qui peut apparaître des semaines après la guérison.
Une enquête sur 150 survivants a révélé que 27 % avaient besoin d’un suivi néphrologique à long terme. Un patient sur cinq ne retrouve jamais une fonction rénale normale. Et les virus réactivés, comme l’HHV-6, peuvent rester dans l’organisme, prêts à resurgir.
Il n’y a pas de « guérison complète » dans le DRESS. Il y a une « rémission ». Et cette rémission demande un suivi à vie. Contrôles hépatiques, rénaux, sanguins. Une vigilance constante. Parce que la prochaine éruption pourrait être un autre médicament - et cette fois, il n’y aura peut-être pas de deuxième chance.
Comment éviter le DRESS ?
Vous ne pouvez pas toujours l’éviter. Mais vous pouvez réduire le risque.
- Si vous avez une insuffisance rénale et qu’on vous prescrit de l’allopurinol, demandez un test génétique HLA-B*58:01. En Asie, ce dépistage a réduit les cas de DRESS de 75 %.
- Si vous avez déjà eu une éruption cutanée avec un médicament, notez-le. Et dites-le à chaque médecin. Même si c’était il y a 10 ans.
- Évitez les associations à risque : par exemple, ne prescrivez pas de lamotrigine à un patient qui a déjà eu une réaction à un autre anticonvulsivant.
- Privilégiez des alternatives plus sûres. Pour la goutte chez les patients à risque, la febuxostat est désormais recommandée comme traitement de première ligne. Elle ne déclenche pas le DRESS.
Le DRESS n’est pas une maladie courante. Mais il est trop souvent évitable. Et trop souvent mal compris.
Et si vous pensez avoir un DRESS ?
Ne perdez pas de temps. Si vous avez :
- Une fièvre qui ne passe pas depuis 3 jours
- Une éruption cutanée qui s’étend
- Des ganglions enflés
- Et que vous avez pris un nouveau médicament dans les 8 semaines
Allez directement aux urgences. Dites : « Je pense à un syndrome DRESS. » Montrez la liste de vos médicaments. Ne laissez pas passer 24 heures. La vitesse sauve.
Et si vous êtes un patient déjà guéri ? Gardez une fiche médicale avec les médicaments à éviter. Donnez-la à chaque médecin. Partagez votre expérience. Parce que 65 % des patients ont vu trois médecins avant d’être diagnostiqués. Vous n’êtes pas seul. Et votre voix peut sauver quelqu’un d’autre.
Quels sont les premiers signes du DRESS ?
Les premiers signes ressemblent à une grippe : fièvre supérieure à 38°C, fatigue intense, maux de gorge, ganglions enflés. Une éruption cutanée apparaît ensuite, généralement 1 à 2 jours après le début de la fièvre. Elle est souvent rouge, plate, et répartie sur tout le corps, comme une rougeole. L’éosinophilie, détectée par une prise de sang, est un marqueur clé.
Combien de temps faut-il pour que le DRESS apparaisse après un médicament ?
Le délai typique est de 2 à 8 semaines après le début du traitement. Certains cas apparaissent plus tôt (1 semaine), d’autres plus tard (jusqu’à 16 semaines). C’est cette longue période de latence qui rend le DRESS si difficile à relier à un médicament.
Le DRESS peut-il réapparaître après guérison ?
Oui, si vous reprenez le même médicament ou un médicament de la même famille. Le risque de réaction est très élevé. Même des années après, votre corps se souvient. Il faut éviter à vie les médicaments impliqués. Des alternatives existent pour la plupart des traitements concernés.
Le DRESS est-il héréditaire ?
Il n’est pas directement héréditaire, mais une prédisposition génétique existe. Le gène HLA-B*58:01 augmente fortement le risque de DRESS à l’allopurinol, surtout chez les Asiatiques. Ce n’est pas une maladie transmise comme une maladie génétique, mais un risque génétique qui peut être dépisté.
Quel est le taux de survie du DRESS ?
Le taux de mortalité est d’environ 10 %. Mais ce chiffre tombe à moins de 2 % si le médicament est arrêté dans les 24 heures et si un traitement par corticoïdes est débuté rapidement. Le diagnostic précoce est la clé de la survie.