Progressive Multifocal Leukoencephalopathie : Risques liés aux immunosuppresseurs
déc., 1 2025
La progressive multifocal leukoencephalopathy (PML) est une maladie rare mais extrêmement grave qui attaque le système nerveux central. Elle ne touche que les personnes dont le système immunitaire est fortement affaibli - souvent à cause de traitements comme les immunosuppresseurs. Ce n’est pas une infection courante, ni un effet secondaire banal. C’est une urgence neurologique qui peut changer une vie en quelques semaines.
Comment une infection bénigne devient une menace mortelle
Le virus JC, responsable de la PML, est présent chez 50 à 70 % des adultes. Il reste inoffensif tant que le système immunitaire fonctionne bien. Mais quand les médicaments comme la natalizumab, le fingolimod ou le rituximab affaiblissent trop les défenses, ce virus réveillé détruit les cellules qui fabriquent la gaine de myéline - la couche protectrice des nerfs dans le cerveau. Résultat : des lésions multiples, progressives, et irréversibles.
La PML ne ressemble à aucune autre maladie neurologique. Elle ne cause pas de douleur. Elle ne provoque pas de fièvre. Elle se manifeste par des signes subtils : une parole bafouillée, une vision floue, une faiblesse soudaine dans un bras ou une jambe. Ces symptômes sont souvent confondus avec une poussée de sclérose en plaques - ce qui retarde le diagnostic. Et chaque jour perdu réduit les chances de survie.
Quels médicaments sont les plus à risque ?
Pas tous les immunosuppresseurs ont le même niveau de danger. La natalizumab (Tysabri) reste le plus redouté. Sur 82 732 patients traités dans le monde jusqu’en 2011, 102 ont développé la PML. Ce qui donne un taux de 0,123 %. Mais ce chiffre cache une réalité bien plus alarmante pour certains groupes.
Si un patient a déjà pris un autre immunosuppresseur (comme l’azathioprine ou le méthotrexate), qu’il est positif au virus JC, et qu’il prend la natalizumab depuis plus de deux ans, son risque grimpe à 4,1 cas pour 1 000 patients. Soit plus de 30 fois plus que la moyenne. C’est comme jouer à la roulette russe avec trois balles dans le barillet.
Les autres médicaments à risque élevé incluent :
- Fingolimod (Gilenya) : 0,4 cas pour 1 000 patient-année
- Diméthyl fumarate (Tecfidera) : 0,2 cas pour 1 000 patient-année
- Rituximab (Rituxan) : 0,8 cas pour 1 000 patient-année
En comparaison, les traitements comme l’interféron bêta ou l’acétate de glatiramère n’ont jamais été associés à un seul cas confirmé de PML. Pourtant, ils sont souvent moins efficaces contre les formes agressives de sclérose en plaques. C’est ce dilemme qui pousse les patients à choisir entre une maladie qui progresse et un traitement qui peut les tuer.
Le test JC : un outil imparfait mais indispensable
Avant de prescrire la natalizumab, les médecins doivent faire un test sanguin pour détecter les anticorps contre le virus JC. Si le test est négatif, le risque est quasi nul. Si le test est positif, le risque augmente - mais pas de façon linéaire.
La clé est l’indice d’anticorps. Un indice inférieur à 0,9 signifie un risque de 0,09 % après 48 mois de traitement. Un indice supérieur à 1,5 ? 10,9 % de risque. C’est une différence énorme. Pourtant, ce test a un défaut majeur : il donne des faux négatifs dans 2 à 3 % des cas. Cela signifie que certains patients, pensant être à l’abri, sont en réalité infectés.
Un patient sur Reddit a raconté son expérience : après 18 mois de natalizumab, une IRM a révélé des lésions de PML - alors que son test JC était négatif. Ce n’est pas un cas isolé. C’est une faille connue dans les protocoles de dépistage.
La surveillance : une question de vie ou de mort
Le seul moyen de détecter la PML à un stade précoce, avant qu’elle ne cause des dommages irréversibles, c’est l’IRM. Et pas n’importe quelle IRM. Il faut des séquences en diffusion pondérée, capables de voir les lésions microscopiques que le cerveau ne montre pas encore par les symptômes.
Les centres hospitaliers spécialisés, comme ceux de l’Université de Washington ou du Cleveland Clinic, recommandent une IRM tous les 3 à 6 mois pour les patients sous natalizumab. Mais ce n’est pas facile. Il faut des radiologues formés pour distinguer une lésion de PML d’une poussée classique de sclérose en plaques. Et selon une étude de 2022, il faut entre 15 et 20 heures de formation pour maîtriser cette compétence.
Et même avec des IRM régulières, 37 % des cas de PML sont d’abord mal diagnostiqués comme une rechute de la maladie sous-jacente. Les patients, déjà épuisés par leur maladie chronique, se retrouvent à attendre des semaines avant qu’on réalise qu’ils sont en train de perdre leur cerveau.
Le syndrome de reconstitution immunitaire : un piège mortel
Quand on arrête la natalizumab, le système immunitaire se réveille. Et il attaque tout - y compris les cellules du cerveau déjà infectées par le virus JC. C’est ce qu’on appelle le syndrome de reconstitution immunitaire (IRIS). Il touche entre 50 et 60 % des patients atteints de PML.
L’IRIS peut être pire que la PML elle-même. Il provoque une inflammation massive du cerveau, des œdèmes, des crises d’épilepsie. Il faut traiter ça avec des corticoïdes puissants, comme la méthylprednisolone. Mais même avec un traitement rapide, la survie n’est pas garantie. Et beaucoup de survivants restent handicapés : ils ne peuvent plus marcher, parler, ou vivre seuls.
Un patient sur un forum de soutien a écrit : « J’ai arrêté Tysabri dès les premiers symptômes. Six mois de traitement contre l’IRIS, et j’ai récupéré 90 % de ma motricité. » Ce n’est pas une guérison. C’est un miracle. Et il est rare.
Les patients parlent : peur, choix, et désespoir
Sur les forums de patients atteints de sclérose en plaques, la peur de la PML domine tout. 78 % des 214 répondants d’un sondage en mars 2024 ont dit avoir une « anxiété extrême » à l’idée de développer la maladie. 63 % disent qu’ils arrêteraient leur traitement après 24 mois, même s’il contrôle parfaitement leur maladie.
Beaucoup changent de traitement. Depuis 2015, les prescriptions de natalizumab ont baissé de 22 % chez les patients ayant déjà pris un immunosuppresseur. En revanche, l’ocrelizumab, un autre anticorps monoclonal, a vu sa prescription augmenter de 35 % dans ce même groupe.
Ce n’est pas une décision facile. Les patients savent qu’ils échangent un risque connu contre un risque inconnu. Et ils le font avec un seul objectif : vivre.
Les nouvelles pistes : espoir ou illusion ?
Il y a de l’espoir. En 2024, une thérapie cellulaire appelée DIAVIS a montré une réduction de 68 % de la mortalité chez 17 patients atteints de PML. Ce n’est pas une cure, mais c’est un progrès majeur.
Des traitements comme le pembrolizumab ou le nivolumab - des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire - ont été testés sur 37 patients. 27 % ont eu une amélioration notable. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est une piste.
Le Cleveland Clinic a lancé en janvier 2025 un essai clinique pour tester le maraviroc, un médicament utilisé contre le VIH, dans la prévention de la PML. Il pourrait bloquer l’entrée du virus JC dans les cellules du cerveau. Ce n’est pas encore prouvé, mais c’est la première fois qu’on cherche à empêcher la PML avant qu’elle ne commence.
Que faire si vous êtes sous immunosuppresseur ?
Si vous prenez un traitement à risque de PML, voici ce que vous devez faire :
- Connaître votre statut JC : testez-vous tous les 6 mois, même si vous étiez négatif avant.
- Exigez des IRM régulières : demandez des séquences en diffusion pondérée, pas une IRM standard.
- Signalez immédiatement tout changement neurologique : même un léger bégaiement, une vision floue, une fatigue inhabituelle.
- Ne laissez pas votre médecin minimiser vos symptômes. La PML ne se manifeste pas comme une poussée classique.
- Si vous avez déjà pris un immunosuppresseur, discutez de l’alternative avec votre neurologue. Il existe des options moins risquées.
La PML n’est pas une fatalité. Elle est prévisible. Elle est détectable. Elle est évitable - si vous êtes informé, vigilant, et exigeant sur votre suivi.
Qu’est-ce que la PML et comment est-elle causée ?
La PML, ou leucoencéphalopathie multifocale progressive, est une maladie du cerveau causée par la réactivation du virus JC chez les personnes immunodéprimées. Ce virus, présent chez la majorité des adultes sans causer de symptômes, détruit les cellules productrices de myéline lorsque le système immunitaire est affaibli par des médicaments comme la natalizumab, le fingolimod ou le rituximab.
Quels sont les signes précoces de la PML ?
Les premiers signes sont souvent subtils : difficulté à parler (dysarthrie), vision floue ou perte partielle de la vue, faiblesse soudaine dans un bras ou une jambe, perte d’équilibre, ou confusion mentale. Ces symptômes sont souvent confondus avec une poussée de sclérose en plaques, ce qui retarde le diagnostic.
Le test du virus JC est-il fiable ?
Non, il n’est pas parfait. Il donne des faux négatifs dans 2 à 3 % des cas. Cela signifie que certaines personnes testées comme négatives peuvent en réalité être infectées par le virus JC. L’indice d’anticorps est plus précis qu’un simple résultat positif/négatif : un indice >1,5 indique un risque élevé de PML après 2 ans de traitement.
Pourquoi la natalizumab est-elle plus risquée que d’autres traitements ?
La natalizumab bloque les cellules immunitaires qui doivent entrer dans le cerveau pour combattre les infections. Cela empêche aussi le système immunitaire de détecter et d’éliminer le virus JC. Ce mécanisme unique, combiné à la durée du traitement et à l’histoire d’autres immunosuppresseurs, augmente le risque de PML jusqu’à 4,1 cas pour 1 000 patients dans les groupes à haut risque.
Que faire si je développe des symptômes de PML ?
Arrêtez immédiatement le traitement et consultez un neurologue spécialisé. Une IRM de haute qualité doit être réalisée dans les 24 heures. Si la PML est confirmée, la prise en charge de l’IRIS (syndrome de reconstitution immunitaire) commence souvent avec des corticoïdes puissants. Le délai de prise en charge détermine la survie et la récupération fonctionnelle.
Existe-t-il des traitements pour guérir la PML ?
Il n’existe pas encore de traitement curatif. La seule approche éprouvée est l’arrêt du médicament responsable et la gestion de l’IRIS. Des essais prometteurs avec des thérapies cellulaires (DIAVIS) ou des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (pembrolizumab) montrent une réduction de la mortalité, mais ils restent expérimentaux. La prévention reste la meilleure arme.
Les patients doivent-ils arrêter leur traitement par peur de la PML ?
Non, pas sans discussion médicale. Les traitements comme la natalizumab sont très efficaces contre les formes agressives de sclérose en plaques. L’arrêt prématuré peut entraîner une rechute rapide et sévère. La bonne approche est la surveillance active : tests réguliers, IRM, et communication ouverte avec son neurologue. La peur ne doit pas remplacer la stratégie.
Fabienne Paulus
décembre 1, 2025 AT 23:14Je suis neurologue et je vois ça tous les jours. La PML, c’est pas une menace abstraite - c’est une bombe à retardement qu’on laisse tic-tac dans le cerveau des patients. Le pire, c’est quand les gens pensent que ‘si j’ai pas de symptômes, je suis à l’abri’. Faux. La première lésion, c’est souvent la dernière qu’on peut sauver.
Je dis toujours à mes patients : si tu prends Tysabri, tu dois avoir une IRM tous les 4 mois, pas une de plus, pas une de moins. Et pas n’importe quelle IRM - avec les séquences en diffusion. Sinon, tu regardes un tableau blanc et tu crois que tout va bien.
Le test JC ? Un outil, pas une garantie. J’ai eu un patient avec un indice à 0,8 qui a eu la PML après 16 mois. Faux négatif. Ça arrive. Et ça change tout.
Anne Ruthmann
décembre 3, 2025 AT 19:14La PML est un cas d’école de l’effet de bord de la neuropharmacologie moderne. L’ingénierie immunitaire, bien que thérapeutiquement élégante, crée un vide écologique dans le système nerveux central, permettant au JC virus - un pathogène latent - d’exploiter la niche immunologique vacante. La natalizumab, en bloquant l’α4-intégrine, compromet la surveillance immuno-surveillante du parenchyme cérébral. Résultat : une réactivation lytique non contrôlée.
Angelique Reece
décembre 5, 2025 AT 07:16Je suis une patiente depuis 12 ans avec la SEP. J’ai arrêté la natalizumab après 2 ans parce que j’ai lu ce post. J’ai peur. Mais j’ai aussi peur de mourir en étant paralysée. J’ai changé pour l’ocrelizumab. J’ai un test JC tous les 6 mois. J’insiste pour les IRMs. Je vous aime tous, ici. 💙
On est pas des cobayes. On est des humains qui veulent vivre.
Didier Djapa
décembre 7, 2025 AT 05:26La prévention de la PML repose sur trois piliers : dépistage régulier du virus JC, imagerie de haute résolution, et transparence entre le patient et l’équipe médicale. Toute déviation à ce protocole augmente exponentiellement le risque. Les données sont claires. La question n’est pas de savoir si c’est possible, mais si on a la volonté de l’appliquer.