Marchés des biosimilaires : Europe contre États-Unis

déc., 29 2025

Les biosimilaires ne sont pas des génériques. C’est une distinction cruciale, souvent mal comprise. Un générique copie une molécule chimique simple, comme le paracétamol. Un biosimilaire, lui, est une copie extrêmement précise d’une protéine vivante - une molécule complexe, produite dans des cellules vivantes, comme l’insuline, l’anticorps anti-TNF ou l’érythropoïétine. Ces médicaments coûtent des dizaines de milliers d’euros par an par patient. Et les biosimilaires, eux, peuvent les réduire de 15 à 30 %. Mais entre l’Europe et les États-Unis, tout est différent : la manière dont ils sont approuvés, adoptés, prescrits et remboursés.

Europe : le pionnier qui a tout mis en place

L’Europe a été la première au monde à créer un cadre réglementaire clair pour les biosimilaires. En 2006, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a approuvé le premier biosimilaire : Omnitrope, une version de l’hormone de croissance. Depuis, plus de 100 biosimilaires ont été approuvés sur le continent. Ce n’est pas un hasard. L’EMA a construit une méthode scientifique rigoureuse mais réaliste : pas besoin de refaire tous les essais cliniques. Il suffit de prouver que le biosimilaire est très similaire au produit d’origine, sur le plan chimique, biologique et clinique. Cela a permis de réduire les coûts de développement et d’accélérer l’arrivée sur le marché.

Les pays européens n’ont pas attendu que les médecins comprennent. Ils ont agi. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont mis en place des systèmes d’achat hospitalier centralisés. Les hôpitaux passent des appels d’offres : le biosimilaire le moins cher gagne. Résultat ? Dans les maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde ou la maladie de Crohn, les biosimilaires représentent plus de 80 % des prescriptions dans certains pays. En oncologie, la part de marché est aussi très élevée. Les patients n’ont pas eu à choisir : le système a fait le choix pour eux - et il a fonctionné.

La chaîne de production est aussi plus mature en Europe. L’Allemagne est devenue un pôle mondial de fabrication de biosimilaires. Des entreprises comme Sandoz, Fresenius Kabi et Amgen ont installé leurs usines ici, attirées par la stabilité du cadre réglementaire et la demande constante. Ce n’est pas juste une question de marché : c’est une expertise industrielle consolidée.

États-Unis : un départ lent, mais une accélération soudaine

Les États-Unis ont attendu trois ans après l’Europe pour créer leur propre loi : le BPCIA, en 2009. Mais la première autorisation d’un biosimilaire n’est arrivée qu’en 2015 - Zarxio, une version du filgrastim. Pourquoi ce retard ? Parce que les grandes entreprises pharmaceutiques ont tout fait pour ralentir la concurrence. Elles ont utilisé les brevets comme des armes. Des batailles juridiques interminables, appelées « patent dance », ont bloqué l’entrée de nombreux biosimilaires. Certains n’ont même pas été commercialisés, malgré une autorisation, parce que les fabricants ont signé des accords secrets pour les empêcher de vendre.

Le marché américain était bloqué. En 2024, seulement 12 biosimilaires étaient disponibles, contre plus de 100 en Europe. Pourtant, les biologiques aux États-Unis coûtent encore plus cher. Humira, l’un des médicaments les plus vendus au monde, a coûté jusqu’à 70 000 $ par an. Et pourtant, en 2024, seulement 6 des 14 biosimilaires approuvés pour Humira étaient réellement sur le marché. Le reste, bloqué par des accords juridiques.

Et puis, tout a changé. En 2022, la loi sur la réduction de l’inflation a supprimé la « faille » de couverture Medicare Part D. Les patients n’avaient plus à payer des centaines de dollars après une certaine dépense. Cela a rendu les biosimilaires plus attractifs pour les assureurs. Puis, en juin 2024, la FDA a fait un pas historique : elle a supprimé la demande d’études de « changement » pour obtenir le statut d’« interchangeable ». Avant, un biosimilaire devait prouver qu’il pouvait être substitué à l’original sans risque - même si le patient ne l’avait jamais pris. Une exigence absurde, qui n’existait pas en Europe. Cette décision a ouvert la voie à une explosion de nouveaux biosimilaires.

Balance géante : Europe avec 100+ biosimilaires et usines, États-Unis avec peu de vials et chaînes de brevets.

Les différences clés : régulation, prix et adoption

Les deux marchés ne fonctionnent pas comme deux systèmes similaires. Ils sont opposés.

  • Approbation : L’EMA demande des données scientifiques solides, mais pas de répétition d’essais cliniques. La FDA, avant 2024, exigeait des études de substitution, ce qui allongeait les délais de 2 à 3 ans.
  • Prix : En Europe, les biosimilaires sont souvent 30 % moins chers. Aux États-Unis, ils sont en moyenne 15 % moins chers, mais les prix sont encore élevés à cause des accords entre fabricants.
  • Adoption : En Europe, les hôpitaux et les autorités sanitaires imposent les biosimilaires. Aux États-Unis, c’est la pression des assureurs et des patients qui fait avancer les choses. Les médecins hésitent encore à prescrire, par manque de confiance ou de connaissance.
  • Manufacture : L’Europe a une chaîne logistique et industrielle mature. Les États-Unis commencent à rattraper leur retard, avec des investissements massifs de Pfizer, Merck et Samsung Bioepis.

La France, l’Allemagne et l’Italie sont les plus grands marchés européens. Aux États-Unis, la Californie, le Texas et la Floride sont les premiers à adopter les biosimilaires, surtout pour les maladies chroniques. Mais la différence la plus frappante ? En Europe, les patients ne savent même pas qu’ils prennent un biosimilaire. C’est devenu normal. Aux États-Unis, les patients demandent encore : « Est-ce que c’est pareil ? »

Couloir hospitalier en 2027 : patients européens et américains reçoivent le même biosimilaire, graphiques flottants en arrière-plan.

Le futur : qui va gagner ?

En 2024, le marché européen des biosimilaires a généré 13,16 milliards de dollars. Celui des États-Unis, 10,9 milliards. L’Europe est encore plus grande. Mais les projections changent tout.

Entre 2025 et 2034, les États-Unis devraient croître à un taux annuel de 17,5 %, contre 17,3 % pour l’Europe. Pourquoi ? Parce qu’ils rattrapent leur retard. Plus de 118 biologiques vont perdre leur brevet aux États-Unis entre 2025 et 2034. Cela représente une opportunité de 232 milliards de dollars. Humira n’est que le début. Des médicaments comme Enbrel, Remicade, Herceptin, et même des traitements contre le diabète ou les maladies du foie vont bientôt être concernés.

L’Europe, elle, a déjà une grande part de marché. Sa croissance est plus lente, mais plus stable. Elle continue d’innover dans la fabrication, et ses régulateurs sont plus expérimentés. Mais les États-Unis ont un avantage : une économie plus grande, des assureurs plus puissants, et maintenant, une régulation plus simple.

En 2027, selon certaines études, la région Amérique du Nord (États-Unis et Canada) devrait dépasser l’Europe en revenus. Ce n’est pas une surprise. C’est une question de timing. L’Europe a eu un avance de 15 ans. Maintenant, les États-Unis rattrapent en vitesse.

Et après ?

Les biosimilaires ne sont pas la fin du chemin. Les prochaines générations seront encore plus complexes : des biologiques à double cible, des anticorps modifiés, des thérapies cellulaires. La fabrication devient plus difficile. Les régulateurs devront s’adapter. Mais la leçon est claire : la transparence, la confiance et la régulation claire font la différence.

En Europe, les médecins prescrivent les biosimilaires sans hésiter. Aux États-Unis, les patients commencent à les demander. Les deux systèmes convergent. Et le résultat sera le même : des traitements efficaces, à un prix abordable. Pour les malades, c’est la seule chose qui compte.

Quelle est la différence entre un générique et un biosimilaire ?

Un générique est une copie chimique exacte d’un médicament à base de molécule simple, comme l’ibuprofène. Un biosimilaire, lui, est une version très proche d’un médicament biologique - une protéine complexe produite dans des cellules vivantes. Impossible de le copier à l’identique. Le biosimilaire doit prouver qu’il n’a aucune différence clinique significative, mais il n’est pas « identique » au produit d’origine.

Pourquoi les biosimilaires sont-ils moins chers ?

Parce qu’ils n’ont pas besoin de refaire tous les essais cliniques. Les fabricants utilisent les données déjà existantes sur le produit d’origine. Ils se concentrent sur la comparaison scientifique et les essais réduits. Cela réduit les coûts de développement de 50 à 70 %. C’est cette économie qui permet de proposer des prix jusqu’à 30 % plus bas.

Les biosimilaires sont-ils aussi sûrs que les médicaments d’origine ?

Oui. Tous les biosimilaires approuvés en Europe ou aux États-Unis doivent prouver qu’ils sont aussi sûrs et efficaces que le produit d’origine. Des milliers de patients les utilisent depuis plus de 15 ans. Les données montrent aucun risque accru d’effets secondaires. L’EMA et la FDA exigent des normes très strictes avant toute autorisation.

Pourquoi les États-Unis ont-ils mis plus de temps à adopter les biosimilaires ?

Les grandes entreprises pharmaceutiques ont utilisé les brevets et les procès pour bloquer la concurrence. Les lois américaines permettaient des batailles juridiques longues et coûteuses. En plus, les assureurs et les hôpitaux n’avaient pas de politique d’achat centralisée. Le système était fragmenté. La loi de 2022 et la réforme de la FDA en 2024 ont changé la donne.

Quels sont les principaux biosimilaires disponibles en Europe et aux États-Unis ?

En Europe, les biosimilaires les plus utilisés sont pour les maladies auto-immunes : adalimumab (Humira), infliximab (Remicade), et etanercept (Enbrel). Aux États-Unis, les premiers ont été pour les soins de soutien : filgrastim (Zarxio), et epoetin (Retacrit). Aujourd’hui, les deux marchés voient une expansion vers les mêmes thérapies : oncologie, diabète, maladies du foie. Humira a maintenant 14 biosimilaires approuvés aux États-Unis, mais seulement 6 sont commercialisés.