Lésion cranienne sous anticoagulants : quand faire une imagerie ?

oct., 30 2025

Si vous prenez des anticoagulants et que vous vous faites une blessure à la tête, même légère, vous ne pouvez pas simplement vous dire « ce n’est rien ». Les anticoagulants - qu’il s’agisse de warfarine, de rivaroxaban, d’apixaban ou d’autres médicaments - rendent votre sang plus fluide. C’est utile pour éviter les caillots, mais ça augmente aussi le risque d’hémorragie à l’intérieur du crâne après un choc. Et cette hémorragie, elle peut ne pas se montrer tout de suite. Parfois, elle arrive des heures, voire des jours après l’impact.

Les signes qui doivent vous alerter immédiatement

Ne vous fiez pas seulement à la gravité de la chute. Une simple glissade sur le sol, une collision contre un meuble, ou même une chute de hauteur inférieure à un mètre peut suffire à provoquer une hémorragie cérébrale chez une personne sous anticoagulants. Les signes à ne pas ignorer :

  • Perte de conscience, même brève
  • Confusion, difficulté à parler ou à comprendre ce qu’on vous dit
  • Maux de tête qui s’aggravent
  • Vomissements répétés (deux fois ou plus)
  • Changes dans la vision, étourdissements soudains
  • Difficulté à marcher, perte d’équilibre
  • Convulsions ou perte de connaissance

Si vous avez l’un de ces symptômes, ne tardez pas. Allez directement aux urgences. Même si vous vous sentez bien après la chute, ces signes peuvent apparaître plus tard.

Le scanner, un examen indispensable - même si vous allez bien

Les directives médicales récentes, comme celles de l’American College of Emergency Physicians (2023) et du département de la Santé de l’État de Washington (décembre 2024), sont claires : toute personne sous anticoagulants qui subit une lésion cranienne doit faire un scanner du crâne sans attendre, même si elle semble aller bien.

En France, les urgences ne font pas toujours un scanner à chaque coup sur la tête. Mais pour les patients sous anticoagulants, c’est une règle absolue. Pourquoi ? Parce que les études montrent que ces patients ont entre deux et trois fois plus de risques d’avoir une hémorragie intracrânienne après un traumatisme léger que les autres. Et ce risque ne dépend pas de l’apparente gravité de la chute.

Le scanner doit être réalisé en mode non-contrasté - c’est-à-dire sans injection de produit de contraste - et avec des coupes fines (entre 0,5 et 1,25 mm) pour détecter les micro-hémorragies et les fractures du crâne. Ce n’est pas un examen de routine. C’est une urgence médicale.

Le temps joue contre vous

Le délai entre votre arrivée aux urgences et le scanner est critique. Selon les données du National Trauma Databank, les patients sous anticoagulants attendent en moyenne 22 minutes de plus que les autres pour passer en scanner. Et chaque minute compte. Une hémorragie qui grossit à l’intérieur du crâne peut comprimer le cerveau, entraîner un coma, ou même être mortelle.

C’est pourquoi les protocoles recommandent un triage rapide : les patients sous anticoagulants doivent être dirigés directement vers une zone de traitement, sans passer par la file d’attente habituelle. Si vous êtes accompagné, demandez explicitement : « Je suis sous anticoagulants, j’ai eu un coup à la tête, j’ai besoin d’un scanner immédiat. »

Patient sous anticoagulants prioritaire aux urgences, dépassant une file d'attente vers un scanner.

Et si le scanner est normal ?

Un scanner sans anomalie est rassurant - mais pas une garantie. Jusqu’à 1 % des patients sous anticoagulants peuvent développer une hémorragie retardée, parfois 48 à 72 heures après l’impact. C’est pourquoi les protocoles recommandent une observation prolongée.

En pratique, cela signifie :

  • Si vous êtes stable, sans symptômes, et que votre scanner est normal, vous pourriez être autorisé à rentrer chez vous après 6 heures d’observation.
  • Si vous avez plus de 65 ans, si vous avez un INR supérieur à 3,5 (pour les patients sous warfarine), ou si vous avez d’autres blessures, vous serez probablement gardé à l’hôpital pendant 23 heures.
  • Un second scanner est parfois recommandé après 6 heures si des facteurs de risque sont présents - même si vous vous sentez bien.

Ne partez pas trop vite. Même si vous n’avez plus mal à la tête, même si vous vous sentez « normal », une hémorragie peut se développer silencieusement. Demandez à un proche de vous surveiller pendant les 48 heures suivantes.

Arrêter vos anticoagulants ? Attention au piège

Beaucoup pensent qu’il faut arrêter les anticoagulants après un traumatisme. C’est une erreur dangereuse. Arrêter brusquement votre traitement - surtout si vous avez une fibrillation auriculaire ou un antécédent de caillot - augmente considérablement le risque d’AVC ou d’embolie pulmonaire.

Un cas rapporté dans la littérature médicale : un patient sous rivaroxaban a eu un scanner normal après une chute. On lui a conseillé d’arrêter son traitement. Trois jours plus tard, il a fait un AVC massif. L’arrêt de l’anticoagulant l’a tué.

Les médecins ne décident pas seuls. Ils consultent un hématologue ou un neurologue. Parfois, au lieu d’arrêter, ils donnent un produit pour inverser l’effet de l’anticoagulant - comme l’idarucizumab pour les DOACs, ou le PCC pour la warfarine - mais uniquement si une hémorragie est confirmée. Ce n’est pas une décision à prendre à la hâte.

Scène en deux parties : patient endormi à la maison et hémorragie cérébrale fantôme dans son crâne.

Les erreurs à éviter

Voici les pièges les plus courants :

  • Minimiser la chute : « C’était juste une petite chute, je n’ai rien. » Même une chute de 50 cm peut être dangereuse.
  • Attendre pour voir : Ne pas consulter parce que « ça va passer ». L’hémorragie ne se manifeste pas toujours tout de suite.
  • Arrêter le traitement sans avis : C’est plus risqué que de le garder.
  • Ne pas informer les médecins : Si vous oubliez de dire que vous prenez des anticoagulants, le scanner peut être retardé - ou pas fait du tout.

Que faire après ?

Si vous avez eu un traumatisme et que vous êtes sous anticoagulants :

  1. Allez aux urgences immédiatement - même si vous vous sentez bien.
  2. Préparez la liste de vos médicaments : nom, dose, fréquence. Apportez les boîtes si possible.
  3. Précisez que vous êtes sous anticoagulant et demandez un scanner du crâne sans délai.
  4. Si vous êtes autorisé à rentrer chez vous, demandez les signes d’alerte à surveiller pendant 72 heures.
  5. Ne modifiez jamais votre traitement sans l’avis d’un médecin.
  6. Prévenez un proche pour qu’il vous surveille les prochains jours.

Les anticoagulants sauvent des vies. Mais ils transforment une simple chute en situation potentiellement mortelle. La clé, c’est la vigilance. Pas la peur. La connaissance. Et l’action rapide.

Dois-je faire un scanner même si je n’ai pas de douleur après une chute sous anticoagulants ?

Oui. Même sans douleur, une blessure à la tête sous anticoagulants nécessite un scanner. Les hémorragies internes ne provoquent pas toujours de douleur immédiate. Des études montrent que jusqu’à 15 % des hémorragies cérébrales chez ces patients n’ont pas de symptômes au moment de l’arrivée aux urgences. Le scanner est le seul moyen de détecter ces saignements à temps.

Quelle est la différence entre un scanner et une IRM dans ce cas ?

Le scanner est le premier examen à faire après un traumatisme, car il est rapide, accessible et très efficace pour détecter les saignements aigus. L’IRM est plus sensible pour les lésions subtiles ou les hémorragies anciennes, mais elle prend plus de temps, n’est pas toujours disponible en urgence, et n’est pas adaptée aux patients instables. Elle peut être utilisée plus tard si des symptômes persistent malgré un scanner normal.

Les anticoagulants naturels (curcuma, gingembre, huile de poisson) sont-ils aussi dangereux ?

Oui. Certains compléments alimentaires comme le curcuma, le gingembre, l’huile de poisson ou le ginkgo biloba peuvent avoir un effet anticoagulant léger. Même s’ils ne sont pas prescrits, ils augmentent le risque de saignement après un traumatisme. Si vous en prenez, informez-en les médecins. Ils doivent être considérés comme des facteurs de risque, surtout en cas de chute.

Je suis âgé(e) et je tombe souvent. Que faire pour éviter les blessures ?

Si vous tombez fréquemment, parlez à votre médecin d’un bilan de risque de chute. Des programmes comme STEADI (CDC) évaluent votre équilibre, vos médicaments, votre vue et votre environnement. Des aménagements simples - comme supprimer les tapis, installer des barres d’appui, ou porter des chaussures antidérapantes - réduisent considérablement les chutes. Une évaluation régulière de la nécessité de vos anticoagulants est aussi essentielle : le bénéfice doit toujours l’emporter sur le risque.

Un scanner est-il dangereux à répéter ?

Le scanner utilise des rayons X, mais la dose pour une tête est faible - équivalente à quelques mois d’exposition naturelle. Le risque d’un scanner est bien moindre que celui d’une hémorragie non traitée. Si un second scanner est recommandé, il est justifié. Pour les jeunes patients, une IRM peut être envisagée plus tard pour éviter une exposition répétée, mais en urgence, le scanner reste la référence.

7 Commentaires

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    etienne ah

    octobre 31, 2025 AT 03:48

    Je suis sous Xarelto depuis 3 ans, et j’ai eu une petite chute en faisant le ménage. J’ai appelé les urgences sans hésiter. On m’a fait un scanner en 15 minutes. Rien. Mais j’ai appris une chose : quand t’as un anticoagulant, t’as pas le droit d’être un héros. C’est pas du courage, c’est de la connerie.

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    Regine Sapid

    octobre 31, 2025 AT 10:03

    Je travaille dans un EHPAD et je vois trop de personnes âgées qui minimisent leurs chutes. « Je me suis juste cogné la tête, ça va passer. » Non. Ça ne va pas passer. Un scanner, c’est pas un luxe. C’est une sauvegarde de vie. Merci pour cet article, il faut le diffuser comme une bombe.

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    Lucie LB

    novembre 1, 2025 AT 16:08

    Les directives américaines ne sont pas applicables en France. On n’est pas aux États-Unis où tout est médicalisé à outrance. Le scanner systématique, c’est de la surconsommation médicale. Le risque d’hémorragie est faible chez les patients stables. Vous créez de la peur là où il faut de la raison.

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    marcel d

    novembre 1, 2025 AT 19:29

    La tête, c’est le temple du moi. Et quand tu prends des anticoagulants, tu deviens un vase fragile. Une simple caresse de la gravité peut le briser en silence. On parle de guerre silencieuse, mais ici, c’est une bataille qui se joue dans les micro-hémorragies, invisibles, muettes, et meurtrières. Le scanner, c’est pas un examen. C’est un acte de résistance contre l’oubli du corps.

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    Monique Ware

    novembre 3, 2025 AT 02:00

    Je suis infirmière en neurologie. J’ai vu des gens partir avec un scanner normal, rentrer chez eux, et revenir 48h après en coma. Le plus dur, c’est quand les familles disent « mais il allait bien ! ». Non. Il allait bien… jusqu’à ce qu’il ne puisse plus parler. La vigilance, c’est la seule chose qui sauve. Et demander à quelqu’un de rester avec toi pendant 72h, c’est pas une demande égoïste. C’est une nécessité.

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    Simon Moulin

    novembre 4, 2025 AT 19:02

    Je trouve que l’article est très clair. Je suis sous apixaban depuis 2 ans après un AVC. J’ai toujours mon carnet de bord avec la liste des médicaments. Je le montre à chaque fois que je vais aux urgences. C’est simple, mais ça fait la différence. Et si tu as un proche qui est sous anticoagulant, parle-lui de ça. Pas en faisant peur. En partageant une info utile.

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    Alexis Bongo

    novembre 4, 2025 AT 23:17

    ATTENTION À L’ORTHOGRAPHE ET À LA PRÉCISION : « ANTICOAGULANTS » NE S’ÉCRIT PAS « ANTICOAGULANT » AU PLURIEL. VOUS ÉCRIVEZ « DOACS » MAIS PAS « NOAC » - C’EST UN TERMES ÉQUIVALENTS. LE SCANNEUR DOIT ÊTRE « NON-CONTRASTÉ » - PAS « SANS CONTRASTE ». ET « PCC » EST « PROTHROMBIN COMPLEX CONCENTRATE » - PAS « PROTHROMBIN COMPLEX CONCENTRATE » - VOUS AVEZ RÉPÉTÉ LE MOT. CE TEXTE EST EXCELLENT, MAIS IL MÉRITE UNE RELECTURE PROFESSIONNELLE.

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