Huile de poisson et aspirine : effets cumulés sur la fluidité du sang

déc., 9 2025

Vous prenez de l’huile de poisson pour votre cœur, et une aspirine quotidienne pour prévenir les caillots ? Vous vous demandez si ça se mélange bien. La réponse n’est pas simple, mais elle est rassurante… pour la plupart des gens.

Comment l’aspirine agit vraiment

L’aspirine, c’est plus qu’un analgésique. À faible dose (81 mg par jour), elle bloque durablement une enzyme appelée COX-1, qui aide les plaquettes à s’agglutiner. Une fois bloquée, cette enzyme ne revient pas tant que la plaquette n’est pas remplacée - et les plaquettes vivent environ 7 à 10 jours. C’est pourquoi une seule aspirine par jour suffit : elle fait son travail et reste actif jusqu’à ce que votre corps en fabrique de nouvelles.

Le résultat ? Moins de caillots. Moins de risque de crise cardiaque ou d’AVC. C’est une des thérapies les plus étudiées au monde. Et elle fonctionne - surtout chez les personnes ayant déjà eu un problème cardiovasculaire.

Et l’huile de poisson ? Ce n’est pas ce que vous croyez

L’huile de poisson contient deux acides gras essentiels : l’EPA et le DHA. On l’a longtemps pensée comme un « anticoagulant naturel ». Mais ce n’est pas vrai, ou du moins, pas comme on le croit.

À dose standard (1 à 2 grammes par jour), l’huile de poisson n’a qu’un très faible effet sur les plaquettes. Elle ne bloque pas l’enzyme COX-1 comme l’aspirine. Elle agit différemment : elle modifie la membrane des plaquettes, rendant moins réactives à certains signaux. C’est comme si vous mettiez du lubrifiant sur un frein : il ne se bloque pas aussi vite, mais il ne se désactive pas non plus.

Des études montrent que même à 4 grammes par jour - une dose très élevée - l’huile de poisson réduit l’agrégation plaquettaire de seulement 15 à 20 %. L’aspirine, elle, la réduit de 70 à 90 %. Donc non, l’huile de poisson ne remplace pas l’aspirine. Et à dose courante, elle n’ajoute presque rien.

La question centrale : y a-t-il un risque de saignement ?

C’est ce que tout le monde redoute : « Si je prends les deux, vais-je saigner comme un porc ? »

Les grandes études répondent clairement : non. L’étude ASCEND (15 480 patients diabétiques) et l’étude VITAL (25 871 participants) ont suivi des milliers de personnes pendant des années. Résultat ? Aucune augmentation significative des saignements avec 1 gramme d’huile de poisson par jour, même combiné à l’aspirine.

Une méta-analyse de 2015, incluant près de 5 000 personnes, a montré que même à 1 gramme par jour, l’huile de poisson n’allongeait pas le temps de saignement. Et pourtant, les gens ont peur. Pourquoi ? Parce que les médecins disent « faites attention ». Et parce que les sites web de suppléments affichent des avertissements en gras.

La vérité ? Le risque réel n’existe que dans deux cas : si vous prenez plus de 3 grammes par jour, ou si vous êtes en train de vous préparer à une chirurgie majeure. Même dans ce dernier cas, les preuves sont faibles - mais les médecins préfèrent prévenir.

Un graphique animé compare l'effet de l'aspirine et de l'huile de poisson sur les plaquettes sanguines, dans un style manhua chinois.

Et les cas extrêmes ? Ce que les études ne disent pas

Une étude de 2012 sur des patients diabétiques a montré que combiner 81 mg d’aspirine et 4 g d’huile de poisson réduisait davantage l’agrégation plaquettaire que l’aspirine seule - surtout chez ceux qui ne répondaient pas bien à l’aspirine. C’est intéressant, mais c’est une minorité. Et ce n’était pas une étude sur les saignements.

Par contre, des cas isolés existent. Sur les forums, certains racontent avoir eu des saignements après une extraction dentaire ou une chirurgie. Ce sont des anecdotes. Mais elles sont réelles pour ces personnes. Et elles sont souvent liées à des doses élevées (plus de 3 g/jour), à des anticoagulants en plus (comme le warfarine), ou à une interruption trop rapide du supplément avant l’intervention.

La plupart des chirurgiens demandent d’arrêter l’huile de poisson 7 à 10 jours avant une opération. Pourquoi ? Parce qu’ils veulent minimiser tout risque, même minime. Ce n’est pas parce que la science le prouve, mais parce que la prudence est leur métier.

Que faire en pratique ?

Voici ce que vous pouvez faire, concrètement :

  • Si vous prenez moins de 2 grammes d’huile de poisson par jour : continuez. Pas de risque mesurable avec l’aspirine.
  • Si vous prenez entre 2 et 3 grammes : surveillez. Pas d’arrêt automatique, mais parlez-en à votre médecin si vous avez un risque de saignement (ulcère, antécédents de saignements, etc.).
  • Si vous prenez plus de 3 grammes : demandez conseil. C’est une dose thérapeutique, souvent prescrite pour les triglycérides très élevés. Ce n’est pas un supplément de base.
  • Avant toute chirurgie ou intervention invasive (dentaire, endoscopie, etc.) : dites à votre médecin que vous prenez de l’huile de poisson. Il décidera si vous devez l’arrêter - et combien de temps avant.

Ne vous arrêtez pas tout seul. Beaucoup de gens arrêtent leur huile de poisson par peur, et perdent les bénéfices réels : baisse des triglycérides, réduction de l’inflammation, meilleure santé vasculaire à long terme.

Un patient se prépare à une chirurgie, une infirmière lui rappelle d'arrêter l'huile de poisson, dans un décor chinois apaisant.

La différence entre supplément et médicament

Il y a une grande confusion entre les suppléments et les médicaments. L’aspirine est un médicament. L’huile de poisson en bouteille ? C’est un supplément. Et les règles ne sont pas les mêmes.

Le médicament à base d’EPA purifié (icosapent ethyl), vendu sous le nom de Vascepa, a été approuvé par la FDA en 2019 pour réduire les risques cardiaques chez les patients à haut risque. Il est prescrit à 4 grammes par jour. C’est un produit pharmaceutique, contrôlé, purifié, testé. Ce n’est pas ce que vous achetez en pharmacie.

Les suppléments d’huile de poisson contiennent souvent moins d’EPA, plus de DHA, et peuvent varier d’une marque à l’autre. Certains sont oxydés, mal conservés, ou contiennent des contaminants. La qualité compte. Si vous en prenez pour la santé cardiovasculaire, choisissez des marques certifiées (comme IFOS ou GOED).

Les études à venir

Un projet de recherche financé par les NIH (N° R01HL157891) suit 200 patients diabétiques prenant 4 grammes d’huile de poisson avec de l’aspirine. Les résultats sont attendus en 2025. Ce sera probablement la meilleure étude à ce jour sur cette interaction précise.

En attendant, la tendance des grandes sociétés médicales est claire : l’American Heart Association, l’European Society of Cardiology, et d’autres affirment que l’huile de poisson à dose modérée ne présente pas de risque de saignement accru, même combinée à l’aspirine.

Le message n’est pas : « Prenez tout ce que vous voulez. » Il est : « Prenez ce qui est bon pour vous, sans peur irrationnelle. »

Conclusion : pas de panique, mais de la conscience

L’huile de poisson et l’aspirine ne s’annulent pas. Elles ne s’additionnent pas non plus de manière dangereuse - à moins que vous ne preniez des doses très élevées.

Si vous avez un bon cœur, que vous ne saignez pas facilement, et que vous prenez 1 à 2 grammes d’huile de poisson par jour, continuez. Votre médecin ne vous demandera pas d’arrêter. Et vous n’avez pas besoin de le faire.

Si vous avez un antécédent de saignement, une maladie du foie, ou si vous allez bientôt subir une chirurgie, parlez-en. Mais ne vous arrêtez pas par peur. La peur tue plus que les suppléments.

La science ne dit pas que tout est sans risque. Elle dit : « Le risque est très faible. Et les bénéfices, eux, sont réels. »